-
Fort-Barraux de 1940 à la Libération
De 1919 à la déclaration de guerre de 1939, la place militaire de Fort-Barraux n'avait plus qu'une garnison épisodique et servait essentiellement de logement pour l'Etat-Major lors des manœuvres de l'armée des Alpes.
On note la présence de plus d'un millier de jeunes femmes et d'enfants réfugiés républicains espagnols, victimes de la victoire de Franco : ils séjournèrent quelques mois dans la forteresse, puis se dispersèrent en France, après régularisation de leur situation.
En 1939, Fort-Barraux est transformé en camp d'internement : les premiers occupants sont des dirigeants syndicalistes et des militants communistes. Le régime d'internement est, dans un premier temps, bon enfant.
De juin 1940, date de l'armistice à 1944, les "compétences" du camp s'élargissent : il y a le quartier des souteneurs, celui des trafiquants du marché noir et celui des résistants, ne cessant de croître au fil des ans.
Il est très difficile encore actuellement de faire l'historique de cette période : les archives publiques ne peuvent pas encore être librement consultées. Il est cependant établi qu'en août 1942, époque où la zone libre existait encore sous l'autorité du gouvernement de Vichy, cent soixante-sept juifs étrangers, hommes, femmes, enfants, après différents tris successifs, furent internés une dizaine de jours à Fort-Barraux avant d'être transférés à Vénissieux, puis à Drancy, puis, pour la plupart, à Auschwitz.
Concernant les résistants, l'occupation de la zone libre en novembre 1942 ne changea pas grand'chose, tout du moins au début : l'occupation italienne fut assez douce. Ce n'était pas leur guerre et les soldats italiens étaient surtout préoccupés de draguer les jeunes Siciliennes du quartier Saint-Laurent à Grenoble. Après la dissolution ou le départ pour le maquis de l'armée de l'armistice, les troupes italiennes firent quelques courtes apparitions à Fort-Barraux, essentiellement pour essayer de récupérer des armes et des munitions.
C'était une époque où la Résistance se manifestait avec humour. Le Duce, ayant imaginé d'envahir une partie de l'ex-Yougoslavie et toute la Grèce, avait été obligé de demander de l'aide à Hitler. En allant en classe en passant le long de la caserne Hoche à Grenoble, on pouvait lire sur le mur d'en face, peintes en lettres d'un mètre de haut, l'inscription suivante :
"Français, si vous voulez visiter l'Italie,
engagez-vous dans l'armée grecque."
Le plus extraordinaire est que même la sentinelle riait !
Après l'armistice en septembre 1943, les choses changent : les troupes italiennes se dissolvent dans la nature et les SS et la milice arrivent.
A Fort-Barraux, les conditions de détention se durcissent. La milice ou la Gestapo vinrent cueillir des Résistants de toutes sensibilités. Il n'a pas été rapporté de sévices graves ou de tortures, mais certains graffitis font état de brutalités à l'encontre des internés. Les gardiens étaient des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ou de la police, entrés en fonction parfois avant la guerre, et qui continuaient à exercer leur métier sans états d'âme particuliers,aussi bien à l'encontre des véritables délinquants que des Résistants ou des juifs.
Il y avait toutefois un personnage assez ignoble : le chef de camp François Risterrucci. Simple gardien au camp de Sisteron (Alpes de Haute-Provence), arriviste, prêt à tout pour satisfaire son ambition, nazi notoire probablement par intérêt, il avait été nommé directeur du "centre de séjour surveillé" de Fort-Barraux. Pour lui, tout était bon : perquisitions, internements arbitraires, dénonciation à la milice ou à la Gestapo, etc...
A la Libération, il s'enfuit en Italie, est arrêté, jugé, condamné à mort et fusillé le 29 décembre 1946. Ce fut la dernière exécution capitale de cette période, en Isère.
(Sources : Fort-Barraux, Quatre Siècles d'Histoires, François Lesbros ; mappy.com)
Tags : fort barraux, caserne hoche, 1942, risterrucci
-
Commentaires