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Focus sur : Robert Favier
Durant l'occupation de la France par les Allemands, Louis Nal commandait les Groupes Francs. Robert Favier était son adjoint : il raconte quelques souvenirs de Résistance.
"La pression exercée par les Allemands (et leurs séides, les miliciens) devenant de plus en plus forte, et seuls leurs véhicules et ceux de quelques corps de métiers indispensables ayant encore le droit de circuler, je décidai le 21 mars 1944, d'aller le lendemain planquer à Fontaine le dernier engin motorisé que j'utilisais encore quelquefois. En ville, on ne voyait plus que quelques cyclistes et les quelques véhicules précités. Le seul fait d'utiliser un moteur quel qu'il soit entraînait une suspicion extrêmement grave et prouvait que l'on était en possession de carburant : en cas de contrôle, il eut fallu en indiquer la provenance. N'étant pas inscrit sur le registre des ayants droit, il ne restait comme explication que le marché noir ou pire : la Résistance. C'était là une véritable imprudence qu'il valait mieux ne pas commettre si on ne voulait pas de complications (...). Il est évident néanmoins que nous étions contraints et forcés de déroger à ce principe, par exemple pour un enlèvement de ravitaillement, de tabac, ou pour procéder à une destruction de matériel ou d'usine.
Le 22 mars 1944, j'emmenais donc ma moto de Grenoble à Fontaine, chez des amis. Pour ce faire, j'empruntais le pont sur le Drac, qui relie le Cours Berriat à l'avenue Aritide-Briand. Vers le milieu de l'ouvrage quasiment désert, je vis arriver une autre moto en sens inverse. Reconnaissant ses passagers, je saluai d'un signe de la main au moment du croisement, mais je n'obtins aucune réponse. Paul Vallier (Gariboldy) pilotait et Jean Bocq (Jimmy : son adjoint) avait pris place sur le tan-sad (siège arrière). Je subodorais l'endroit où ils se rendaient et, de retour à Grenoble, à vélo, je fis un petit détour pour passer rue de l'Elysée (actuellement Max-Dormoy). M'arrêtant à l'angle de la rue Mozart, j'aperçus la moto 250 cm3 New-Map une centaine de mètres plus loin.
Ils étaient dans la maison inoccupée des parents de Paul, qui se trouve à l'angle des deux rues. Je frappai plusieurs fois et de plus en plus fort. Enfin la porte s'entrouvrit précautionneusement, puis toute grande lorsqu'ils m'eurent identifié. Ils rengainèrent leur pistolet automatique. Je leur demandai s'ils m'avaient vu, un moment plus tôt, sur le pont : la réponse fut négative. Je leur expliquai alors, en insistant fortement, à quel point il était suicidaire de circuler en ville autrement qu'à pied ou à bicyclette et que ce qu'ils faisaient était la meilleure façon d'attirer l'attention sur eux. Ce qui n'était pas, et de loin, le but recherché.
Je ne sais si mon avertissement aurait porté ses fruits mais il n'en a pas eu le temps, car le soir même, Paul Vallier et Jimmy Bocq tombèrent dans une embuscade à Fontaine : Paul fut tué en essayant de protéger Jimmy déjà blessé. Ce dernier put s'échapper mais subit le même sort, ainsi que Bob Tarze à Saint-Nizier, en tentant de venger Paul Vallier, leur chef et ami."
(Sources : Flashes sur la Résistance en Isère - Robert Favier (alias Mattras) ; mappy.com)
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