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Entrée en Résistance, partie II : Eugène Chavant devient chef civil du Vercors
Selon toutes les sources, après avoir "lâché" son café de l'Ile-Verte, vendu au printemps 1941, il travaille chez un paysan pour piocher des betteraves, puis chez un bûcheron fournissant du bois aux boulangers de Grenoble. Là encore, il peut s'appuyer sur le réseau de connaissances hérité de la SFIO. Il bûcheronne ainsi pour un ancien militant socialiste grenoblois, Chardonnet, sis rue de la Mutualité...Dans le "groupe Martin", Eugène Chavant joue le rôle de "conseil de révision", convoquant et interrogeant les réfractaires au STO dans l'arrière-boutique de la quincaillerie Bouvier-Chichignoud & Allemand, 18 rue Lesdiguières [cf. plan ci-dessous]. Ceux-ci sont alors aiguillés vers le Vercors, gagnant Villard-de-Lans par les cars Huillier mis à la disposition de la Résistance, et affectés à l'un des camps-refuges qui quadrillent le massif au printemps 1943, de la ferme d'Ambel (exploitée par Victor Huillier et ses associés) jusqu'à Méaudre et Corrençon.
En revanche, Eugène Chavant ne semble pas avoir de relations avec Pierre Dalloz et sa petite équipe, à l'initiative du "projet Montagnards" qui envisage un rôle stratégique pour le Vercors, au moment d'un débarquement allié en Provence. Dalloz, en relation depuis mars 1943 avec Aimé Pupin et Eugène Samuel, affirme n'avoir appris l'existence de Chavant que beaucoup plus tard, en juillet 1944. Les deux hommes, qui ne se rencontreront qu'après la guerre, entretiendront d'ailleurs des relations difficiles...
L'ancien maire, devenu précocement un clandestin au moins depuis 1942, voit ses conditions de vie bouleversées. Son épouse, qui habite rue Aristide-Bergès à Saint-Martin d'Hères, le voit rarement. Elle passera la plus grande partie du conflit dans un relatif isolement, vivant des produits d'un terrain acquis à La Croix-du-Pâtre, à Saint-Martin d'Hères village, après la vente du café. (...) Eugène Chavant ne se confie guère à ses proches, pas plus à son épouse qu'à son fils. Si celui-ci accomplit quelques missions de courrier ou d'agent de liaison, ce n'est pas le cas de Lucile Chavant. Pour son époux, comme pour la plupart des hommes de sa génération, la Résistance, "c'est une affaire d'hommes parce que c'est une question de confiance". Comme le rappelle encore son fils, qui admet qu'il était "un peu misogyne", "il pensait que les femmes avaient la langue trop longue et qu'elle fonctionnait trop facilement". Cette première expérience de semi-clandestinité est remise en cause par la série d'arrestations qui démantèle au printemps 1943 le premier "Comité de combat" du Vercors. Tour à tour, Léon Martin (le 24 avril), Aimé Pupin, Simon Samuel, Victor Huillier et quatre autres résistants de Grenoble et de Villard-de-Lans (le 28 mai) sont arrêtés par l'armée italienne, jugés et internés pour la plupart à la forteresse de Cuneo, dans le Piémont. Après quelques semaines de flottement, c'est au capitaine Alain Le Ray qu'il incombe de renouer les fils, avec l'aide d'Eugène Samuel, le seul survivant de l'équipe d'Aimé Pupin, et de l'écrivain Jean Prévost, un proche de Pierre Dalloz. Eugène Chavant, qui a échappé aux arrestations et s'est réfugié un temps au chalet du Club alpin de Chamrousse, n'a plus de liaisons Désireux de sortir de son isolement, il redescend à Grenoble et reparaît à quelques endroits sûrs fréquentés depuis l'avant-guerre, comme la boutique d'articles de sports Perrin, dont il connaît le propriétaire, peut-être sympathisant socialiste, selon son fils. Le magasin, square des Postes (aujourd'hui square Léon-Martin), présente l'avantage, précieux dans la vie clandestine, d'avoir plusieurs sorties, parmi lesquelles le boulevard Agutte-Sembat et la rue Lesdiguières. C'est là que s'établit un premier contact avec Le Ray.
Il débouche sur la cooptation d'Eugène Chavant dans le deuxième "Comité de combat" du Vercors, fin juin 1943. Il comprend deux militaires, le capitaine Le Ray et le lieutenant Roland Costa de Beauregard, et trois civils, Eugène Samuel, Jean Prévost et Eugène Chavant (...). C'est seulement à cette date que Chavant, qui s'installe définitivement dans le Vercors en septembre ou octobre, s'impose au premier plan.
(...) Son destin est indissociable désormais de l'histoire du Vercors résistant. Il est devenu le "patron", appellation respectueuse et familière qu'utiliseront ses hommes pendant comme après la guerre.
(Source : Eugène Chavant, du "poilu" au chef de maquis - Gilles Vergnon)
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