-
Extrait du livre "Alain Le Ray : le Devoir de Fidélité"...
...Un officier alpin au service de la France (1939-1945) - Lieutenant-Colonel Jean-Pierre Martin.
De Gaulle dans les Alpes : l'adoubement de la division FFI
Début novembre 1944, le général de Gaulle se rend sur le front des Alpes. Plusieurs étapes jalonnent ce parcours : Annecy, le cimetière de Morette, Thônes, Albertville, Chambéry et Grenoble. Pour le chef du Gouvernement provisoire de la République française, ce voyage revêt un double objectif : rendre hommage aux combattants des maquis alpins qui, aux Glières comme au Vercors, écrivirent en lettres de sang des pages parmi les plus emblématiques de la Libération ; préparer le front des Alpes à des opérations visant à accroître éventuellement notre territoire des districts francophones transalpins. Ainsi verra-t-on le chef de la France libre prodiguer ses encouragements au Comité Départemental de la libération de la Savoie et recevoir une délégation valdôtaine, en l'assurant de l'intérêt que portait le gouvernement français à cette région. Les termes de son discours prononcé le 5 novembre au PC de la 1ère DAFFI* , à Challes-les-Eaux, laissent entrevoir, par leurs sous-entendus, l'objectif qu'il entend fixer à cette force : "Que sera la destination exacte et la composition de la grande unité que formera la Division ? Je n'en suis pas certain, mais presque : une vraie Division alpine...De toute façon, la guerre n'est pas finie, si par hasard vous êtes portés à le penser, je vous rappelle que je ne crois pas que l'ennemi se couche avant de s'être battu très longuement et très durement...l'Armée française aura le temps et l'occasion de se promener, ce dont je vous réponds."
(...)
Le soir de cette inspection, de Gaulle se rend à Grenoble pour lui remettre la Croix de la Libération ; le lendemain, il passe en revue la nouvelle armée française alignée avenue Foch et Place de l'Exposition. On y trouve des éléments de la 4ème Division marocaine de montagne du général Sevez, responsable du secteur français des Alpes, et, rassemblée au complet, la 3ème Demi-Brigade de l'Isère, sous les ordres du commandant Le Ray.
(...)
Dans les salons de la Préfecture de l'Isère, Le Ray aura l'insigne honneur d'être présenté au chef de la France libre. C'est Yves Farge, Commissaire de la République à Lyon, qui introduit le jeune officier :
"Le commandant Le Ray a beaucoup de choses à vous dire, mon général !" dit-il avant de s'éclipser.
"Alors, Le Ray, qu'avez-vous à me dire ?"
Le général fait asseoir son visiteur à côté de lui. Le visage du grand homme est blême, empreint d'une profonde lassitude.
Le jeune officier, qui vient de recevoir la Croix de la Légion d'honneur, impressionné par cette froideur, hésite, ne sachant pas ce qu'il y a de plus utile à dire. Il parlera, sans le secours d'une seule question, de sa troupe qui vient de défiler et dont il est fier, et de la nature des derniers combats en coopération ou non avec les Américains, abordant avec précaution le délicat sujet du Vercors.
Visiblement cela suffit.
"Je vous remercie. Au revoir, Le Ray."
D'abord désarçonné par ce tête-à-tête glacial, celui-ci a peu à peu mesuré l'immense fatigue accumulée sur les épaules du chef de la France libre depuis tant de mois et d'années. De toute façon, ce sera pour lui un grand souvenir. Puis il est reparti vers les tâches qu'appelait le départ du surlendemain pour la Maurienne.
-
Commentaires