• Saint-Nizier : la brèche

     J'effectue une légère entorse à ce blog, car une partie du Vercors est située dans la Drôme, le département voisin, et qu'il m'est difficile de ne pas l'évoquer quand on aborde la Résistance dans le département de l'Isère.

    J'ai donc décidé de commencer une série d'articles consacrés à des événements s'étant déroulés dans ce massif, qu'ils aient eu lieu en Isère ou dans la Drôme.

    Bonne lecture.

     

    Le commandement de la Résistance du Vercors ignore que la Wehrmacht envisage depuis de longues semaines - probablement depuis le mois de mars - une attaque du Vercors.

    Berlin en aurait donné l'ordre début mai, lequel aurait été reporté à une date ultérieure. Depuis Grenoble, le général Pflaum, ayant fait le constat de la puissance de la Résistance et d'une nécessité de renforts en hommes, aurait jugé nécessaire de différer l'attaque afin de mieux la préparer. Et ça n'est finalement que le 8 juin, le jour où la tristement célèbre division Das Reich entreprend le périple qui la mènera à Oradour-sur-Glane, que le haut-commandement Ouest pour le Sud de la France, adresse à ses unités l'ordre suivant :

    " [...] mener des actions de grande ampleur contre les bandes opérant dans le Sud de la France, et le faire avec la plus extrême vigueur et sans ménagement. Les foyers d'agitation persistants doivent être définitivement éteints [...]. Dans ce genre d'opération, un demi-succès ne sert à rien. Il faut écraser les forces de résistance au moyen d'attaques rapides et enveloppantes. Pour le rétablissement de l'ordre et de la sécurité, les mesures les plus énergiques devront être prises afin d'effrayer les habitants de cette région infestée, à qui il faudra faire passer le goût d'accueillir les groupes de Résistance [...]. Cela servira en outre d'avertissement à toute la population [...]. En ce moment critique, il faut être d'une rigueur impitoyable."

    Ce même 8 juin 1944, le président américain Eisenhower, à l'incitation pressante des autorités de la France libre, a demandé à l'Allemagne de traiter les résistants français comme des combattants bénéficiant du statut prévu par la convention de Genève. Il lui est répondu :

    "Le commandement suprême de la Wehrmacht a décidé que les membres de la Résistance française doivent être traités comme des irréguliers. Les résistants et la population qui les soutient seront donc traités de la même façon : comme des Terrorbanden, des bandes de terroristes."

    (...)

    La première attaque allemande se produit au matin du 13 juin, à Saint-Nizier-du-Moucherotte. Paul Brisac (1), alias "Belmont" et Jean Prévost, alias "Goderville", rejoints par le commandant Huet (2) puis par la compagnie d'Abel Chabal, sont à la manœuvre.

    Saint-Nizier : la brèche

    La compagnie Brisac, c'était d'abord, écrira Paul Brisac, une quarantaine de "mergers" - employés de l'entreprise Merlin-Gerin -, le "noyau dur" auquel s'adjoindront, à l'extérieur de l'entreprise, les recrues d'André Paccalet, qui deviendra le second de Brisac. Le 9 juin 1944, ce dernier a reçu le message : "Ordre n° 1 - 8 juin minuit - Mobilisation immédiate de votre compagnie. Exécution de la mission prévue." Parvenu à Lans-en-Vercors, on l'avertit qu'il disposera au total d'environ 120 à 150 volontaires.

    Saint-Nizier : la brèche

    Les mergers sont "décidés mais disparates, pas entraînés et sans armes." Paccalet dispose quant à lui "d'hommes provenant en grande partie des groupes francs, c'est-à-dire déjà un peu militarisés et dotés d'un armement comportant FM et mitrailleuses." En revanche, les hommes de la section des chasseurs commandés par l'adjudant-chef Chabal sont des éléments d'active qui ont pris le maquis après la dissolution de l'armée : ceux-là sont bien entraînés et bien armés. Quelques armes parachutées arriveront, écrit Brisac, mais :

    "Rien de bien splendide dans le lot d'armements reçus : mitrailleuses Sten en quantité, fusils américains, grenades et c'est tout. A part les mitraillettes, pas d'arme automatique. pour défendre la trouée de Saint-Nizier, point le plus vulnérable d'accès au plateau, c'est maigre."

    Le mardi 13 juin au matin, alerte : "Les Allemands montent." Le premier assaut mobilise quelque 300 maquisards et fera 12 morts parmi eux. Deux jours plus tard, les Résistants seront 600 à attaquer, mais les Allemands trois fois plus. La Résistance parviendra à forcer les positions allemandes - au prix de 9 morts parmi les Résistants, d'autant de victimes civiles, et de nombreux blessés. les Allemands, qui comptent dans leur rang 13 morts et une trentaine de blessés, auront, en partant, pillé et incendié fermes et maisons de Saint-Nizier, en en détruisant 81 sur 93. A court terme et au plan tactique, la Résistance a vaillamment défendu ses positions. Mais au plan stratégique, les faits sont là : Villard-de-Lans et la plaine de Lans sont évacués le 15 juin et la Wehrmacht contrôlent désormais les accès depuis Grenoble.

    Saint-Nizier : la brèche

    Pourquoi l'assaut de Saint-Nizier, pourquoi à ce moment-là ? Probablement, disent généralement les historiens, pour apprécier la capacité militaire de la Résistance française afin de préparer une offensive décisive.

    (A suivre...)

     

     

    (1) : commandant d'une compagnie civile chargée de la défense de Saint-Nizier.

    (2) : chef militaire du maquis du Vercors

     

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