• La représentation des immigrés italiens

    Yvan Gastaut, Maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Nice Sophia-Antipolis, évoque la représentation des immigrés italiens en Isère, notamment durant la période qui nous intéresse.

    (...) En 1931, subissant les effets de la crise économique, les établissements de tissage de soie Mesnard, situés à Bourgoin, qui emploie 150 ouvriers dont une majorité d'Italiens, essuie une grève des ouvriers français, excédés par l'omniprésence des immigrés. Les étudiants se plaignent également : en janvier 1935, ils se mettent en grève pour protester contre la concurrence des étudiants italiens qui obtiennent des diplômes français.

    Il est vrai que la peur du fascisme et des revendications territoriales sur les Alpes françaises s'exprime, bien que Mussolini convoite la Savoie et non le Dauphiné. L'opinion iséroise demande de la fermeté face au Duce et s'inquiète de la présence d'espions ou de provocateurs dans leur entourage à mesure que les tensions diplomatiques s'exacerbent. Certes, la presse, tout en se montrant déterminée, invite à ne pas céder à l'amalgame, comme La République de l'Isère, en 1939 : "les Italiens résidant en France affirment depuis quelques temps leur volonté de ne pas permettre qu'une guerre fratricide mette aux prises les deux pays latins." Mais avec l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de l'Allemagne, la situation s'aggrave. Les Italiens sont invités à se présenter dans les commissariats afin de rédiger une déclaration de fidélité à la France, qui craint les traîtres.

    (...) L'Isère se trouvant dans la zone d'influence définie par les accords Roatta-Von Stülpnagel du 29 juin 1940, l'occupation effective de Grenoble commence le 12 novembre 1942 avec l'apparition des premiers "motocyclistes italiens" et des premiers soldats en tenue gris-vert, place de la gare. Au cours de ces années difficiles, les Italiens du département de l'Isère ne vont plus au bistrot le soir, après le travail. Les familles n'osent plus sortir pour éviter d'essuyer des insultes du type "sales macaronis". Plusieurs centaines d'Italiens décident même de quitter le département (...).

    Signe d'un climat de tension, le 30 août 1940, un vieillard coratin est exclu d'un café, puis arrêté par les gendarmes sous le prétexte que les Italiens n'ont pas à parler leur langue dans les locaux publics. (...) Des insultes sont attestées dans plusieurs rapports de police, tel celui du 13 octobre 1940 concernant un incident au hameau de la Bautière entre bûcherons italiens et jeunes français, ou celui du 27 janvier 1943 dans un incident entre femmes grenobloises et officiers italiens. Nombreux sont également les attentats d'intensité variable contre des bars ou des cordonneries tenus par des Italiens. Et un camp d'internement est établi à la hâte en 1940 dans le parc Bachelard à Grenoble où sont rapidement internés 800 Italiens suspects.

    Pourtant, nombreux ont été les Italiens à avoir pris une part active à la Résistance à Grenoble, mais aussi dans le maquis du Vercors, notamment dans la Main-d'Oeuvre Immigrée (MOI), structurée par le parti communiste, puis au sein de la lutte armée dans les Francs-Tireurs partisans (FTP-MOI).

    Avec la Libération, les animosités perdurent encore quelques années à l'instar des autres régions ayant eu à subir l'occupation italienne. L'Italien de l'isère est toujours victime du stéréotype du "macaroni" mais celui-ci perd peu à peu de son poids.

    (...)

     

     (Source : Un Air d'Italie : La présence italienne en Isère - Collection du Musée Dauphinois)

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