• Focus sur : la manifestation du 11 novembre 1943 (I)

    (Témoignage de Lucien COLONEL)

    "Il est près de midi lorsque nous débouchons sur la place du parc Paul Mistral, la foule arrive de toutes les voies d'accès sur l'immense place et se regroupe au pied du Monument à la gloire des Diables Bleus. Le service d'ordre est débordé, les manifestants sont près de 2.000, certains déposent des fleurs, un drapeau tricolore est placé dans les bras de la statue de bronze, c'est alors que s'élève, puissante, entonnée par la foule la "Marseillaise", jamais je n'avais entendu notre chant national chanté avec une telle ferveur, c'est un instant pathétique, une immense émotion parcourt la foule, beaucoup sont en larmes, c'est pour moi un instant émouvant et inoubliable.

    C'est alors que pressentant une intervention des Allemands, le lieutenant David, adjoint au commandant de la Gendarmerie de l'Isère monte sur une des bornes bordant le monument et invite la foule à se disperser. Il est suivi dans le même sens par le commissaire Toussaint, qui vient d'arriver avec des renforts, la foule commence alors un mouvement de repli vers la ville.

    Soudain, une détonation retentit, nous apercevons dans le ciel une fusée, c'est alors que surgissent de toutes parts des soldats armés de fusils mitrailleurs (...) accompagnés de policiers de la Gestapo. Déployés en tirailleurs, ils font mouvement d'encerclement : c'est une grande débandade pendant laquelle plusieurs centaines de patriotes parviendront à s'échapper, tandis que la tenaille se referme sur plus d'un millier de manifestants.

    Encerclés, les soldats allemands nous poussent à coups de crosses jusqu'à un enclos ceinturé de barbelés. (...) Au moment de l'envahissement de la place par les soldats allemands, les forces de police et de gendarmerie se trouvaient "prises en sandwich" entre les deux camps. Un massacre venait ainsi d'être évité.

    Les officiers de police et de gendarmerie arrêtés au cours de la manifestation, après des heures detractation, furent libérés. Les commandant Hamann, chef nazi, connu pour ses actes de cruauté avait menacé de les faire fusiller, devant leur incapacité de briser la manifestation.

    (...) Les événements et les arrestations furent vite connus en ville. Dans l'après-midi, des parents de manifestants arrêtés tentèrent de s'approcher du lieu où nous étions détenus, sous la garde de soldats en armes (...). Les Allemands, qui craignaient une nouvelle manifestation, devaient informer la population par haut-parleur, que le moindre rassemblement serait dispersé par le feu de leurs troupes. En fin d'après-midi, les femmes et les enfants de moins de 16 ans furent libérés, nous fûmes alors conduits sous bonne escorte à la caserne de Bonne (...). Le lendemain devait commencer la fouille et les interrogatoires : les hommes âgés et des affectés spéciaux furent relâchés.

     

    Focus sur : la manifestation du 11 novembre 1943 (I)

    Le samedi 13 novembre (...) nous sommes rassemblés à la gare de Grenoble quand, par haut-parleur, quatre noms de captifs sont appelés : ils seront libérés sur le champ. Ce sont 396 Grenoblois qui franchiront la porte du Frontstalag 122, installé dans la caserne de Royallieu, transformé en camp d'internement après la défaite de 1940, pour devenir l'antichambre de la mort.

    immatriculé sous le numéro 20.463, je suis affecté au bâtiment 8, chambre 10, et retrouve 51 Grenoblois. (...)

    Le 16 janvier au matin, je suis appelé parmi tant d'autres, c'est la formation d'un convoi pour l'Allemagne, la plupart des patriotes grenoblois seront du départ. Le 17 janvier, entassés à plus de cent dans les wagons à bestiaux, nous quittons Compiègne, destination Buchenwald, puis Dora, qui sera le tombeau de très nombreux Grenoblois.

     

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