• "Le gouvernement de Vichy avait décrété que le 11 novembre 1943 ne serait pas chômé. Malgré cette mesure, les effectifs dans les entreprises et les usines de la région, particulièrement à Grenoble, étaient squelettiques ce jour-là. La population en ayant décidé autrement, car une manifestation était prévue en ville par les organisations de Résistance pour commémorer l'anniversaire du 11 novembre 1918.

    Des tracts et des affiches avaient été imprimés, invitant la population à se joindre à nous. Les affiches ne devaient être mises en place que le plus tard possible pour éviter qu'elles ne soient détruites prématurément. Relativement peu étaient collées le 10 au matin, mais de nombreux tracts avaient été déposés dans les boîtes aux lettres. Fort heureusement, beaucoup de personnes se contentèrent de ne pas se rendre au travail, restèrent chez elles, et par là marquèrent leur réprobation aux valets d'Hitler. Ce même jour, 10 novembre, nous apprîmes que les occupants préparaient une action contre les Résistants et les patriotes et que, comme d'habitude, leur intervention serait féroce.

    Prévenu de son côté, Nal me dépêcha un agent de liaison, "Christiane", pour me demander de diffuser le contre-ordre de participation par tous les moyens à ma disposition. Tout l'après-midi, et jusqu'au couvre-feu fixé à 20 heures, cette nouvelle fut colportée par toutes les filières possibles, avec prière de faire suivre, ainsi que l'interdiction de coller de nouvelles affiches ou de continuer à distribuer les tracts. Quelques Résistants ne purent être prévenus : la population, composée principalement de sympathisants non affiliés à un mouvement constitué, se rendit, trop nombreuse encore, à la manifestation. La place fut cernée : seules 2 à 300 personnes purent échapper à la tenaille.

    Les Allemands ne relâchèrent que très peu de gens. La suite fut dramatique : la déportation suivit en masse. Près de 300 des 400 déportés ne revinrent pas des camps de la mort.

    Malgré l'interdiction, des affiches furent encore collées dans la nuit du 10 au 11 novembre 1943, probablement par des inconscients ou par des groupuscules non informés ou, pire, mal intentionnés. Il est évident que dans cette tragique affaire, il nous fut matériellement impossible de faire imprimer de nouvelles affiches ou de nouveaux tracts et de les diffuser.

    Il faut également préciser que quelques uns des Résistants et des sympathisants prévenus par le bouche-à-oreille, interprétèrent ce contre-ordre comme une manœuvre montée par nos ennemis dans le but de saboter la manifestation prévue, et prirent la malencontreuse décision de s'y rendre."

    (Source : Flashes sur la Résistance en Isère - Robert Favier)

     

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