• Né en 1903 à Lorquin (Moselle), Charles Ochs connut l'occupation allemande jusqu'en 1918, date du retour de la Moselle dans le giron français. Sa famille parlait le français, ce qui lui valut beaucoup d'affronts lorsqu'il était gamin. Il n'aimait pas les Allemands. Grâce à une bourse de l'Etat, il prépare et réussit le concours d'inspecteur de police et il est nommé à Strasbourg.

    Passionné d'aviation, il accomplit son service militaire dans l'armée de l'air. Promu lieutenant-pilote, il participe à la seconde guerre mondiale à bord d'un avion d'observation chargé d'informer l'Etat-Major sur l'avance des troupes allemandes. Il est descendu, arrive à s'en tirer et repart le lendemain sur un autre appareil.

    L'armistice est signé. Ochs est proposé pour la légion d'honneur et nommé commandant de l'aéroport de Roanne, puis démobilisé.

    Il rejoint Strasbourg, où il retrouve sa famille. Les occupants lui offrent (puisqu'il redevient allemand) de réintégrer la Polizei avec un grade supérieur. Il refuse, déclarant qu'il est français et fier de l'être. Dans les vingt-quatre heures, il est expulsé avec sa femme, ses deux enfants et deux valises. Son appartement et ses meubles seront vendus au profit du Trésor allemand. Il est réintégré dans l'Administration française, mais à un sale poste où les volontaires sont rares : sous-directeur du centre de Fort-Barraux.

    Pendant trois ans, cet homme va mener une action exemplaire en faveur des Résistants. Le document concernant la libération de Roland Dumas est signé de sa main. Il écrit au préfet pour lui signaler que X (Résistant notoire) est atteint de tuberculose aiguë, que "les bacilles de Koch ne choisissent pas entre les gardiens et les détenus", que "de toute façon, X n'en a pas pour longtemps" et qu'il demande son "élargissement pour raison de santé" (faux certificat médical à l'appui).

    Il aide d'autres détenus à s'évader et "oublie" de le signaler, ce qui augmente d'ailleurs la ration alimentaire des autres. Avec les trafiquants du marché noir, il est d'accord pour les colis de ravitaillement, à condition que la moitié soit distribuée aux autres internés sous son contrôle. A Fort-Barraux, il renseigne et organise des coups de main des Groupes Francs, permettant à de jeunes maquisards de s'enfuir quelques heures avant l'arrivée des SS ou de la milice, qui devaient les cueillir pour les fusiller.

    Dénoncé soit par le chef de camp François Risterrucci, soit par un Résistant torturé, il est arrêté. Il est aussi torturé, mais ne parle pas. Il est expédié à Strasbourg au siège de la Gestapo et de là, il est envoyé à Flossembourg (dans le nord de l'Allemagne), où il meurt de faim en mars 1945.

    Le registre de l'état civil de la commune de Barraux indique son décès avec, en travers, la mention "mort pour la France" : c'est tout. Après son arrestation, sa famille a quitté le village et, depuis, c'est le grand silence de l'oubli...

     

    (Source : Fort-Barraux : Quatre Siècles d'histoires, François Lesbros)

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  • De 1919 à la déclaration de guerre de 1939, la place militaire de Fort-Barraux n'avait plus qu'une garnison épisodique et servait essentiellement de logement pour l'Etat-Major lors des manœuvres de l'armée des Alpes.

    Fort-Barraux de 1940 à la Libération

    On note la présence de plus d'un millier de jeunes femmes et d'enfants réfugiés républicains espagnols, victimes de la victoire de Franco : ils séjournèrent quelques mois dans la forteresse, puis se dispersèrent en France, après régularisation de leur situation.

    En 1939, Fort-Barraux est transformé en camp d'internement : les premiers occupants sont des dirigeants syndicalistes et des militants communistes. Le régime d'internement est, dans un premier temps, bon enfant.

    De juin 1940, date de l'armistice à 1944, les "compétences" du camp s'élargissent : il y a le quartier des souteneurs, celui des trafiquants du marché noir et celui des résistants, ne cessant de croître au fil des ans.

    Il est très difficile encore actuellement de faire l'historique de cette période : les archives publiques ne peuvent pas encore être librement consultées. Il est cependant établi qu'en août 1942, époque où la zone libre existait encore sous l'autorité du gouvernement de Vichy, cent soixante-sept juifs étrangers, hommes, femmes, enfants, après différents tris successifs, furent internés une dizaine de jours à Fort-Barraux avant d'être transférés à Vénissieux, puis à Drancy, puis, pour la plupart, à Auschwitz.

    Concernant les résistants, l'occupation de la zone libre en novembre 1942 ne changea pas grand'chose, tout du moins au début : l'occupation italienne fut assez douce. Ce n'était pas leur guerre et les soldats italiens étaient surtout préoccupés de draguer les jeunes Siciliennes du quartier Saint-Laurent à Grenoble. Après la dissolution ou le départ pour le maquis de l'armée de l'armistice, les troupes italiennes firent quelques courtes apparitions à Fort-Barraux, essentiellement pour essayer de récupérer des armes et des munitions.

    C'était une époque où la Résistance se manifestait avec humour. Le Duce, ayant imaginé d'envahir une partie de l'ex-Yougoslavie et toute la Grèce, avait été obligé de demander de l'aide à Hitler. En allant en classe en passant le long de la caserne Hoche à Grenoble, on pouvait lire sur le mur d'en face, peintes en lettres d'un mètre de haut, l'inscription suivante :

    "Français, si vous voulez visiter l'Italie,

    engagez-vous dans l'armée grecque."

    Le plus extraordinaire est que même la sentinelle riait !

    Après l'armistice en septembre 1943, les choses changent : les troupes italiennes se dissolvent dans la nature et les SS et la milice arrivent.

    Fort-Barraux, les conditions de détention se durcissent. La milice ou la Gestapo vinrent cueillir des Résistants de toutes sensibilités. Il n'a pas été rapporté de sévices graves ou de tortures, mais certains graffitis font état de brutalités à l'encontre des internés. Les gardiens étaient des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ou de la police, entrés en fonction parfois avant la guerre, et qui continuaient à exercer leur métier sans états d'âme particuliers,aussi bien à l'encontre des véritables délinquants que des Résistants ou des juifs.

    Il y avait toutefois un personnage assez ignoble : le chef de camp François Risterrucci. Simple gardien au camp de Sisteron (Alpes de Haute-Provence), arriviste, prêt à tout pour satisfaire son ambition, nazi notoire probablement par intérêt, il avait été nommé directeur du "centre de séjour surveillé" de Fort-Barraux. Pour lui, tout était bon : perquisitions, internements arbitraires, dénonciation à la milice ou à la Gestapo, etc...

    A la Libération, il s'enfuit en Italie, est arrêté, jugé, condamné à mort et fusillé le 29 décembre 1946. Ce fut la dernière exécution capitale de cette période, en Isère.

     

     

     

     

    (Sources : Fort-Barraux, Quatre Siècles d'Histoires, François Lesbros ; mappy.com)

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