• (Travail de recherche effectué par deux étudiants lors de l'année scolaire 1974-1975, à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble)

    Le Commandant Nal effectue un récit détaillé et précis des mouvements de manifestants qui semblent un instant se diviser, quand ils arrivent, venus du cour Jean Jaurès par la rue d'Alsace-Lorraine sur la place Victor Hugo mais se regroupent finalement pour déboucher près du monument aux Diables Bleus à midi.

    Focus sur : la manifestation du 11 novembre 1943

    Lucienne Gosse (...) assure que le rassemblement commença place Grenette et précise : "Les Allemands manoeuvrèrent de façon à repousser les manifestants jusque sur la grande place qui est devant le Parc des Expositions. Là, ils les cernèrent et plusieurs centaines de participants ou de simples passants furent pris au piège (...).

    Selon le Commandant Nal, les manifestants ont réussi à atteindre le monument, y déposer des fleurs, y accrocher un drapeau tricolore. Un officier de gendarmerie monté sur une borne appelle à la dispersion et au moment où la police française, sous les ordres du commissaire central Toussaint, canalise la foule vers le centre de la ville, des forces allemandes sorties des bâtiments de la place encerclent un millier de manifestants. L'interposition de forces françaises de police évite peut-être un carnage, ses chefs sont d'abord arrêtés, désarmés et fouillés. Les Allemands effectuent soudain un mouvement tournant, isolant un millier de manifestants, qui sont poussés vers un enclos improvisé ceint de fil de fer.

    Le samedi 13 novembre, des camions gardés par des hommes armés jusqu'aux dents, équipés de mitrailleuses braquées sur la rue emmènent à la gare 500 prisonniers (...).

    Les deux chercheurs ont ensuite étudié la composition de cette "population" de ces manifestants. Le fichier du NAP (Noyautage de l'Administration Publique) leur donnait une bonne base de départ, au minimum un nom et un prénom, souvent, en plus, une adresse et parfois une profession, pour 320 personnes arrêtées et déportées. (...) Ils ont donc dépouillé systématiquement aux Archives départementales les listes électorales de la période 1936-1943. Au terme de ce travail, ils disposaient de fichiers pour 160 personnes : identité, âge, profession, lieu d'habitation. Ils se sont alors tournés vers l'Association des Anciens Déportés du 11 novembre 1943 (10 rue Colbert, à Grenoble) : (...) les fiches ont été reprises une par une. (...) Ils ont ensuite formulé une conclusion sous forme de questions : 

    • A quelle couche sociale appartenaient-ils ?
    • Quel âge avaient-ils ?
    • D'où venaient-ils ?

    A la première question, ils répondent que (...) le gros des manifestants étaient des ouvriers et des employés, accompagnés d'un certain nombre d'artisans et petits commerçants. Il n'y a pas dans les fiches de noms de représentants de la bourgeoisie grenobloise (...).

    A la deuxième question, ils répondant que les manifestants comprenaient un très grand nombre de jeunes, puisque 46 % des personnes concernées par l'étude avaient alors entre 15 et 25 ans (...).

    A la troisième question, ils répondent que les manifestants de Grenoble venaient avant tout des quartiers qui, avant la guerre, votaient à gauche et à l'extrême-gauche, ceux qui avaient été "les points chauds" de l'été 1936. (...) Le contingent de manifestants venant des communes avoisinantes apparaît comme dominé par deux communes : Fontaine (comme avec une forte implantation du Parti Communiste) et Echirolles (citadelle ouvrière, avec l'usine de la Viscose).

    Une question n'est pas résolue : par qui, comment et sous quelle forme s'est effectuée la mise en garde de ne pas manifester le 11 novembre ? Aucun document ne figure dans les annexes ; aucune précision n'est donnée. Sur ce terrain, l'union sacrée a joué : cette divergence-là, qui a peut-être été très coûteuse, a en tout cas été enterrée très profondément.

    Les deux étudiants concluent : "il ne s'agit pas d'action de réseaux clandestins menée par des "permanents", ni de l'action de groupes de partisans armés, ayant quitté leur milieu social et professionnel, une "armée de l'ombre". Les manifestants du 11 novembre 1943 ont quitté l'usine, l'atelier ou le bureau le 10 au soir. Le 12, ils sont en prison ou retournent au travail".

     

    (Source : Mémoires de déportés : Musée de la Résistance et de la déportation) 

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  • (Témoignage de Lucien COLONEL)

    "Il est près de midi lorsque nous débouchons sur la place du parc Paul Mistral, la foule arrive de toutes les voies d'accès sur l'immense place et se regroupe au pied du Monument à la gloire des Diables Bleus. Le service d'ordre est débordé, les manifestants sont près de 2.000, certains déposent des fleurs, un drapeau tricolore est placé dans les bras de la statue de bronze, c'est alors que s'élève, puissante, entonnée par la foule la "Marseillaise", jamais je n'avais entendu notre chant national chanté avec une telle ferveur, c'est un instant pathétique, une immense émotion parcourt la foule, beaucoup sont en larmes, c'est pour moi un instant émouvant et inoubliable.

    C'est alors que pressentant une intervention des Allemands, le lieutenant David, adjoint au commandant de la Gendarmerie de l'Isère monte sur une des bornes bordant le monument et invite la foule à se disperser. Il est suivi dans le même sens par le commissaire Toussaint, qui vient d'arriver avec des renforts, la foule commence alors un mouvement de repli vers la ville.

    Soudain, une détonation retentit, nous apercevons dans le ciel une fusée, c'est alors que surgissent de toutes parts des soldats armés de fusils mitrailleurs (...) accompagnés de policiers de la Gestapo. Déployés en tirailleurs, ils font mouvement d'encerclement : c'est une grande débandade pendant laquelle plusieurs centaines de patriotes parviendront à s'échapper, tandis que la tenaille se referme sur plus d'un millier de manifestants.

    Encerclés, les soldats allemands nous poussent à coups de crosses jusqu'à un enclos ceinturé de barbelés. (...) Au moment de l'envahissement de la place par les soldats allemands, les forces de police et de gendarmerie se trouvaient "prises en sandwich" entre les deux camps. Un massacre venait ainsi d'être évité.

    Les officiers de police et de gendarmerie arrêtés au cours de la manifestation, après des heures detractation, furent libérés. Les commandant Hamann, chef nazi, connu pour ses actes de cruauté avait menacé de les faire fusiller, devant leur incapacité de briser la manifestation.

    (...) Les événements et les arrestations furent vite connus en ville. Dans l'après-midi, des parents de manifestants arrêtés tentèrent de s'approcher du lieu où nous étions détenus, sous la garde de soldats en armes (...). Les Allemands, qui craignaient une nouvelle manifestation, devaient informer la population par haut-parleur, que le moindre rassemblement serait dispersé par le feu de leurs troupes. En fin d'après-midi, les femmes et les enfants de moins de 16 ans furent libérés, nous fûmes alors conduits sous bonne escorte à la caserne de Bonne (...). Le lendemain devait commencer la fouille et les interrogatoires : les hommes âgés et des affectés spéciaux furent relâchés.

     

    Focus sur : la manifestation du 11 novembre 1943 (I)

    Le samedi 13 novembre (...) nous sommes rassemblés à la gare de Grenoble quand, par haut-parleur, quatre noms de captifs sont appelés : ils seront libérés sur le champ. Ce sont 396 Grenoblois qui franchiront la porte du Frontstalag 122, installé dans la caserne de Royallieu, transformé en camp d'internement après la défaite de 1940, pour devenir l'antichambre de la mort.

    immatriculé sous le numéro 20.463, je suis affecté au bâtiment 8, chambre 10, et retrouve 51 Grenoblois. (...)

    Le 16 janvier au matin, je suis appelé parmi tant d'autres, c'est la formation d'un convoi pour l'Allemagne, la plupart des patriotes grenoblois seront du départ. Le 17 janvier, entassés à plus de cent dans les wagons à bestiaux, nous quittons Compiègne, destination Buchenwald, puis Dora, qui sera le tombeau de très nombreux Grenoblois.

     

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  • A Grenoble, les Groupes Francs apparaissent en novembre 1942, lorsque la ville passe en zone occupée. Ils relèvent notamment du groupe Combat ; l'un des plus fameux étant celui de Paul Vallier. Ce dernier organise un véritable "maquis urbain", multipliant les exécutions, attentats et autres sabotages.

    A partir de mai 1944, un comité d'action immédiate organise la coordination de ces différents groupes francs, sous la direction de Louis Nal. (...) Sous son commandement, les Groupes Francs exécutent un très grand nombre d'actions contre l'ennemi.

    On peut notamment citer la prise d'armes de la Justice de Paix (7 quai Créqui), le 13 juin 1944. Un dépôt d'armes a été caché sous le nez des Allemands, et il s'agit de les récupérer pour équiper la Résistance, ce qui est d'autant plus périlleux que l'ennemi est sur le qui-vive, le débarquement allié venant de se produire.

    Le Palais de Justice de Paix

    Le Palais de Justice de Paix

     

    Le Groupe Franc fait alors croire à un déménagement, deux camions arrivent et les Résistants y chargent de grands sacs qui contiennent des armes et des munitions. Les camions sortent de Grenoble et rallient Vizille sans rencontrer de contrôle allemand. Cette action périlleuse aura grandement servi le ravitaillement en armes des Résistants.

    Le Palais de Justice de Paix

     A la libération, Nal est nommé chef départemental des forces de police et de maintien de l'ordre.

    (Sources : www.mappy.com ; 1939-1944 Grenoble en Résistance : parcours urbains).

     

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  • De février à mars 1944, Aloïs Brunner - bras droit d'Adolf Eichmann - et ses hommes opèrent en Isère. Le Kommando Brunner s'installe dans l'hôtel Suisse & Bordeaux (6 place de la Gare), à la fois base pour l'action et prison pour les Juifs arrêtés par des rafles suivies de spoliations et de tortures, tandis que l'hôtel Terminus (10 place de la Gare) est réquisitionné par l'Office de Placement Allemand.

    L'hôtel Suisse & Bordeaux

    Les hôtels Suisse & Bordeaux et Terminus

    Quotidiennement, ses hommes traquent, filent, perquisitionnent et arrêtent. On estime à près de 250 personnes le nombre de celles qui ont été arrêtées ainsi. Face aux difficultés à trouver des Juifs, le Kommando encourage la délation et recourt à l'aide des collaborationnistes.

    La première action d'envergure du Kommando a lieu le 6 février à la station thermale d'Uriage. Le choix de la station fut sans doute fixé en raison du grand nombre de Juifs qui s'y étaient réfugiés et de l'implantation du 351è groupement de travailleurs étrangers dans lequel se trouvaient nombre de Juifs. 49 personnes sont transférées à Drancy. Quinze jours après, le Kommando effectue une opération similaire. 

    L'hôtel Suisse & Bordeaux

     Cette fois, la cible est le village de Monestier-de-Clermont, dans le Trièves. Une dizaine de personnes sont arrêtées le 23 février. 

    L'hôtel Suisse & Bordeaux

     En réalité, c'est à Grenoble que s'exerce l'essentiel des opérations : les arrestations s'y succèdent à un rythme effréné. Du 6 au 12 février, les hommes de Brunner visent les hôtels et les restaurants. Ce qui caractérise le mieux ces rafles et arrestations est le postulat adopté par le Kommando : toute personne est juive, à moins d'en apporter la preuve contraire. Tortures et sévices sont intensément pratiqués : il s'agit de faire avouer aux personnes arrêtées "leurs origines". L'arrestation d'une personne doit conduire à l'arrestation de l'ensemble de la famille. Pas un Juif ne doit échapper aux SS.

    Après le départ du Kommando Brunner, les arrestations ne s'arrêtent pas. Comme si leur passage à Grenoble avait créé une impulsion dans la traitement de la question juive.

     

     

    (Source : 1939-1944 Grenoble en Résistance : parcours urbains)

     

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